Découvrez ci-dessous le petit précis marketing en deux parties rédigé par Pacal Malotti, le directeur conseil et marketing de Valtech France. Après des années à analyser les évolutions du digital et ses conséquences à travers le monde pour les marques, il est temps de confronter ces décryptages à la réalité des expériences des marques qui sont ancrées dans notre quotidien. Pour des raisons de cohérence plus que de méthodologie pure, concentrons-nous sur les machines de guerre business américaines, nées ou pas de l’internet.

Les géants du net

Google

Nous devons beaucoup à Google pour avoir structuré la connaissance du monde. Quelle performance incroyable d’avoir des retours immédiats à nos questions avec un classement par grandes catégories ou par importance ! La diversité des questions posées en temps-réel dans le monde entier offre à Google un avantage concurrentiel décisif sur l’usage de la recherche. Le volume massif de données facilite la logique apprenante pour mieux anticiper nos besoins. Et n’oublions pas que la recherche organique est l’entrée vers le cash-machine publicitaire de Google ! Un trésor de guerre de 100 milliards de $ l’année. Quant à ses tentatives de diversifications business, je les observe médusé, me demandant si Google inventera un jour un nouveau truc révolutionnaire (et je ne parle pas d’acquisitions pour se réinventer un destin) : j’en doute fortement !

Facebook

Comparé à Google, Facebook est d’un tout autre calibre dans la captation de données personnelles : le service offert est toujours connecté à l’identité de l’individu. Ses utilisateurs ont pris le réflexe de « confier » à Facebook l’ensemble de leurs actes, leurs souhaits, leurs craintes ou leurs intentions d’achats. Le tout consolidé sur un volume quotidien de 1 milliard d’utilisateurs actifs. Google peut anticiper avant tout le monde la nature de nos intentions, mais Facebook est tellement plus pointu dans sa connaissance à l’intersection de nos actions (clics, mots, déplacements géographiques) et nos relations avec 10 ans d’historique. Que reprocher à Facebook ? D’être devenu une machine à cash publicitaire impitoyable au point de vous écouter aux Etats-Unis si votre application est ouverte sur votre smartphone. Tous ses efforts ont été de construire la machine à ciblage la plus puissante de l’histoire du business, capable d’allier la masse à l’affinitaire.

Nous sommes arrivés à cet extrême où Facebook s’intéresse moins à nos besoins qu’à l’adaptation algorithmique des contenus aux exigences de ciblage des annonceurs pour maximiser le chiffre d’affaires. Ce sera difficile pour Facebook de tuer les millions de contenus frauduleux qui se propagent, générateurs de clics, donc de revenus.

Instagram

Cette plateforme met en exergue l’esprit de créativité au service du plus grand nombre et elle traduit l’avènement du mobile : le « mobile first ». Mais rappelons qu’Instagram a été acquis par Facebook en 2012 et la maison mère commence à laisser une trace indélébile dans l’expérience vécue sur Instagram. Avec la croissance vertigineuse d’utilisateurs dans le monde, plus de 800 millions désormais, Instagram a instauré un algorithme similaire à celui employé par Facebook : il organise la publication en fonction de l’auteur, de sa popularité, du sujet et de la date. Pire, Instagram devient le cheval de Troie de Facebook, visant à détruire Snapchat en « pompant » ses fonctionnalités, comme les Stories. C’est de bonne guerre mais on attend plus que du plagiat systématique ! Enfin, il y a une porosité entre les deux sur le plan publicitaire : si vous avez regardé les publications d’une marque sur l’un, vous pouvez être certain qu’une publicité de cette même marque apparaîtra sur l’autre dans les 24 heures qui suivent.

Finalement, qu’il s’agisse de Google, Facebook ou Instagram, il faut garder à l’esprit que nous vivons dans un monde façonné par la donnée et l’intelligence artificielle où ces géants sont quasi-omniscients. Si certains hésitent désormais à utiliser leurs comptes lorsqu’ils ne les désactivent pas carrément, pour la plupart d’entre nous leur utilisation dans la vie quotidienne est désormais banalisée ou « comoditisée » et il est compliqué de se passer des trois.

Les géants du retail

Dans une première partie, nous avons parlé des géants du net, confrontant le décryptage des évolutions digitales à la réalité des expériences des marques qui sont ancrées dans notre quotidien. Penchons-nous maintenant vers les marques.

Apple

Apple est devenu au fil des décennies une marque iconique dont la valeur émotionnelle n’a d’égal que la qualité intrinsèque de ses produits. Mon entrée dans la galaxie Apple date de l’iPod et j’avoue désormais être habillé de la tête aux pieds de produits Apple. Ce trait d’humour n’est pas dénué de vérité ; ainsi, cette société informatique à ses débuts est devenue une marque dont les produits se portent sur soi : iPhone, Apple Watch, AirPods. Cette marque est unique dans son savoir-faire et du design produit, alliage du matériel et du logiciel. Posséder le dernier iPhone (dès sa sortie) et se sentir rebelle en faisant l’acquisition d’un produit nouveau même si les experts le disent mauvais ou annoncent son échec : l’Apple Watch en est un bel exemple. En un mot, les acheteurs des produits Apple passent de raisons objectives, comme la qualité supérieure des produits, à une dynamique plus irrationnelle  de réel objet de vénération. Et si Apple capte constamment les données de ses utilisateurs, pouvant connecter leur identité à un achat par exemple, ils ne revendent pas ces dernières à un annonceur.

Nike

Les produits Nike mixent design et qualités intrinsèques dans la performance sportive. Et si Adidas revient sur le devant de la scène grâce à un design produit enfin retrouvé, Nike est souvent le premier sur l’innovation produit.

L’innovation est évidemment une question de priorité dans les choix business d’une marque, mais elle donne rarement plus de 6 mois à un an d’avance sur la concurrence. Il est préférable d’avoir le bon produit au bon moment avec la bonne dose d’innovation. Ainsi, Nike a devancé Adidas dans l’innovation et la quête du produit « as a service » dans l’univers mobile avec sa performance Nike Run. Mais avec sa solution Boost de semelle avec retour d’énergie, Adidas a précédé Nike qui vient seulement de mettre en vente son innovation équivalente, Epic React.

Nike poursuit sa diversification dans le déploiement de nouvelles expériences digitales, comme avec son application SNKRS, dans l’enrichissement donc de son expérience omnicanale. Cependant, la marque doit mieux travailler la personnalisation de son offre auprès de ses cibles, tout en augmentant le poids de la relation directe avec le  consommateur final. Enfin, cette dernière doit être meilleure dans l’utilisation de la donnée pour mieux intégrer les insights consommateurs dans ses produits et fonctionnalités. Le match Nike-Adidas, comme celui avec les nouvelles marques qui émergent de type All Birds, s’annonce serré.

Starbucks

Starbucks a réussi à ancrer son usage au coeur de son positionnement de marque : un troisième lieu de vie entre la maison et le bureau. La présence du digital pour cette marque se concentre dans une application mobile, de type utilitaire, pour ses consommateurs les plus fidèles afin de faciliter le service (en mode ubérisation) pour simplifier le parcours client et créer de la récurrence, donc du trafic en magasin, par la fidélisation.

Tout n’est pas parfait : le CRM reste segmenté par pays, des fonctionnalités lancées aux Etats-Unis puis au Royaume-Uni ne voient pas le jour en France ou mettent longtemps à arriver. Et puis, Starbucks a tardé dans l’adoption de certaines pratiques comme l’utilisation du lait d’amande ou une offre sans gluten, devenues indispensables pour faire face aux nouvelles tendances des consommateurs. Le parcours client doit s’enrichir de nouvelles expériences pour ne pas devenir un endroit par défaut : la plus mauvaise proposition de valeur pour une marque « premium » connotée style de vie. Mon barista reste finalement mon meilleur vecteur de personnalisation, voilà qui est paradoxal à l’ère d’un monde post-digital !