Grâce au numérique et au Data, la pub serait devenue notre meilleure amie, celle qui désormais nous suit toujours où que nous soyons, et qui surtout devine parfaitement le moindre de nos besoins, pour y répondre à chaque instant de la journée. Mais en réalité, les agences ont changé d’outil mais pas de stratégie. Elles sont restées sur leur schéma de vente « à l’ancienne » : aller chercher le consommateur, et mettre la pression pour le convaincre. Avec le risque, en ces temps changeants, d’y parvenir de moins en moins…

A contre-courant de nouveaux comportements émergeants

Catégorisation numérique de nos émotions, intelligence artificielle… Les temps changent à coups de High-Tech. Mais personne, parmi tous les professionnels du Data, n’a semble-t-il flairé dans l’information la vraie nouveauté sociétale de notre siècle : un désir général de « mieux-vivre ». Aimantées par les possibilités bluffantes du numérique, les agences de communication focalisent sur la puissance de l’outil, oubliant de réfléchir à comment l’utiliser au mieux. A savoir dans un cadre sociétal en mutation, où le citoyen aspire à du bien-être, recherche du sens dans ses actions. Tout comme les entreprises sont de plus en plus nombreuses à s’engager en interne sur une voie RSE, allant même jusqu’à envisager que le bien-être de leurs employés serait levier de performance.

Cette recherche du « mieux-vivre », loin d’être seulement une idée « dans l’air », pénètre aujourd’hui chaque strate de notre société. Et amène logiquement le consommateur à demander aux marques d’adopter un comportement plus vertueux. Les agences de communication auraient pu saisir l’idée au vol, et réfléchir à une approche différente du consommateur, à une utilisation de la puissance numérique plus en phase avec son nouveau profil.

Mais elles campent sur leurs fondamentaux de conquête : invasion et pression.

Sur-sollicités, cernés de stimulus vendeurs en augmentation exponentielle, nous sommes ainsi tous devenus des consommateurs stressés et compulsifs, prêts à exploser. D’un strict point de vue commercial, peut-on continuer à faire longtemps confiance à des prospects aussi torturés et instables ? Une autre stratégie devrait être possible.

Aider à choisir plutôt que vendre

Fatigué d’être chassé quotidiennement par les marques, le consommateur de ce siècle ne désire plus qu’on lui vende quelque chose en « porte-à-porte », même si les portes sont désormais numériques. Ce qu’il aimerait surtout, c’est profiter des atouts de la technologie pour, enfin, être aidé efficacement dans ses choix, et se sentir en sécurité car toujours certain de choisir le bon produit ou le bon service. Pour une question économique devenue plus prégnante, bien sûr, mais aussi pour des raisons plus profondes : il considère que la pub a assez profité de ses largesses, qu’il est temps qu’elle devienne adulte et qu’il n’est plus acceptable qu’elle puisse le tromper, le décevoir. Et le consommateur n’a pas tout à fait tort.

Le problème en revanche, c’est que les agences de communication n’ont ni l’état d’esprit, ni les bons outils pour répondre efficacement à cette demande.

Elles s’appuient toujours sur une théorie économique des années 50, qui transforma l’être humain en Superman : l’Homo Economicus. Un être parfait, capable de ne jamais se tromper dans ses choix. Or, cet humain-là n’existe pas. Les Neurosciences et la Psychologie Sociale l’ont depuis démontré : face à différentes options, nous nous montrons souvent irrationnels, et pouvons même décider contre notre propre intérêt. Si l’on part du postulat logique, par ailleurs couramment admis par le Marketing, qu’un client déçu est un client perdu, cela n’est bon ni pour le consommateur, ni pour le commerce.

D’autre part, les agences continuent à utiliser des leviers décisionnels, la persuasion et la culpabilisation qui, si ils fonctionnaient bien il y a trente ans, montrent aujourd’hui leurs limites dans le contexte actuel. Usés jusqu’à la corde, ils peinent à produire leur effet sur une cible depuis longtemps éduquée aux « ficelles » publicitaires. Agressifs, ils sont en contradiction avec de nouvelles aspirations sociétales, qui prônent plus de respect vis-à-vis de l’individu. Enfin et surtout, ces leviers ne sont pas conçus pour aider à prendre une bonne décision, et ne peuvent donc résoudre la problématique actuelle.

La bonne nouvelle pourrait venir de la meilleure connaissance des ressorts de nos prises de décisions : nous savons maintenant que les comportements irrationnels qui amènent à se tromper, ne sont ni aléatoires ni dénués de sens. Mais systématiques, donc prévisibles. Nous pouvons alors analyser et anticiper ces comportements non désirés (faire le mauvais choix lors d’un achat), et y répondre via d’autres leviers décisionnels, plus efficaces que ceux utilisés aujourd’hui. Les Nudges.

Le Nudge, ou la stratégie de la bienveillance

Avant d’être un outil, le Nudge est un état d’esprit : aider à prendre des décisions impliquantes au quotidien. Sans se tromper. Il propose aux communicants d’échanger leurs leviers « persuasion » et « culpabilisation », contre des leviers qui « invitent » et « incitent » à l’action. C’est à dire en douceur et plus subtilement. Nous sommes dans un nouveau cadre de communication, « durable », qui n’a pas pour but d’agir à court terme, en déclenchant un achat via une promotion prix par exemple. Penser Nudge, c’est viser le long terme, rechercher la fidélité avant tout, et donc donner la priorité au « réfléchi » plus qu’aux émotions.

Imaginons un consommateur qui, demain, se rendrait de lui-même sur le site web d’une marque, sans réagir à aucune sollicitation commerciale directe de celle-ci, mais pourtant avec un achat précis déjà validé. Ce nouveau consommateur serait conquis, dans les deux sens du terme. Serein et confiant, il serait peut-être même prêt à concrétiser un autre besoin dans la foulée !

In fine, ce que le Nudge peut apporter aujourd’hui à la communication commerciale, c’est l’idée de changer la relation Marques/Clients en y insufflant, de par son approche douce et respectueuse, une notion puissante : la bienveillance.

Avec pour première étape de couper la pression, et d’utiliser le numérique pour inviter à les visiter. Bref, que les marques s’éloignent du consommateur… pour mieux l’inciter à les (re)trouver.